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1 février 2005

UN OCEAN D’ÉNERGIE COSMIQUE OU LE TOUT AUTRE PERSONNEL ?

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“Le XXIe siècle sera mystique ou ne sera pas”. Un peu la tarte à la crème attribuée au siècle dernier à André Malraux. A tort ? A raison ? Aujourd'hui, qu'en est-il ? Il est vrai que le PROGRÈS et la SCIENCE, désormais cantonnés dans le domaine technico-commercial, ont cessé de constituer un gage de bonheur. Et il est un fait que les gens ont soif. Mais cette soif, où vont-ils l'assouvir ?

C'est ici qu'apparaît l'ambiguïté du “retour au religieux”. Que constatons-nous en guise de “mystique”? Pour le P.Jean Vernette, une éclosion de mystiques vagabondes, d' “expériences culminantes”, de résurgences gnostiques, de spiritualités laïques ou néo-païennes. Sensations, euphorie, sentiment de puissance personnelle, telles sont bien les aspirations des nouvelles religiosités toutes au service d'un ego souverain.

“On n'a jamais autant parlé de Dieu - ou plutôt du divin - que de nos jours et pourtant, paradoxalement, l'athéisme n'est pas mort. Au début du 3e millénaire, il a seulement changé de visage”. Telle est l'observation du P. Joseph-Marie Verlinde. Un homme qui ne se paie pas de mots puisqu'il a vécu ce qu'il dénonce. Situons-le brièvement.

En 1968, Joseph-Marie a 20 ans. De formation scientifique - il sera docteur en chimie nucléaire - mais,  peu préparé à la pensée philosophique, il décide de mettre en pratique le slogan: “Pour être libre, renoncez à la béquille religieuse”. La béance lui devient vite insupportable et il se remet en quête de Dieu. Par un autre chemin. Celui de l'Orient qui lui apparaît en affiche sur les murs de sa ville sous les traits d'un impressionnant gourou. Joseph-Marie reçoit l'initiation à la Méditation Transcendantale, puis, ayant rencontré le célèbre Maharishi Mahesh Yogi, il l'accompagne dans ses périples autour du monde. Mais surtout il fait de longs séjours dans des ashrams de l'Himalaya où il peut approfondir l'hindouisme, le bouddhisme ainsi que les pratiques du Yoga.

Paradoxalement, c'est dans un ashram que le Christ est venu le “chercher”. Un Français de passage demande à Joseph-Marie qui Jésus est devenu pour lui. C'est le déclic. Dans l'instant, il a la certitude que malgré ses abandons, le Seigneur ne l'a jamais quitté. Qu'Il l'a suivi, attendant patiemment qu'il se tourne vers Lui pour accueillir à nouveau son amitié. Il comprend que celui qu'il cherchait au bout du monde est là, disponible, tout près de lui. Joseph-Marie Verlinde rentre en Europe. Il rompt avec les philosophies orientales et leurs techniques comme avec l'ésotérisme, il étudie la théologie à Rome, la philosophie à Louvain. En 1983, il est ordonné prêtre et fondera en 1991 la très vivante Famille de Saint-Joseph actuellement située sur le Mont-Luzin (France). Son activité spécifique est axée sur la guérison intérieure. (1)

Et pour nous aider à trouver notre chemin dans la complexité des phénomènes religieux de notre temps, Mgr Jean-Marie Lustiger a appelé Joseph-Marie Verlinde à assurer  cette année 2002 le cycle des Conférences de Carême selon la grande tradition de N.D. de Paris amorcée en 1835 par le P. Lacordaire.

“Le christianisme au défi des nouvelles religiosités”, ces conférences (2), j'ai eu le bonheur de les suivre sur Radio N.D. Je m'y réfèrerai souvent ici, mais pas exclusivement. Je note aussi que le Père Verlinde ne cherche pas précisément à faire le procès des religions orientales. Il en est revenu, mais dans le respect du dialogue interreligieux auquel nous invite le Pape. Ce qu'il dénonce avec vigueur et gravité, c'est la récupération faite par les Occidentaux de certains éléments de ces traditions étrangères, coupés de leurs racines, accommodés à notre sauce, dénaturés.

En schématisant, je dégage de la très foisonnante étude du P. Joseph-Marie deux puissantes séductrices qui, de l'Asie, sourient à notre jeunesse : la théorie de la réincarnation et l'identification totale du moi au divin.

1.  La théorie de la réincarnation

C'est la plus populaire. La réponse magique à des frustrations, aux dégoûts de la vie présente, au manque de cœur à l'ouvrage. Les forces imaginatives, jusque là en mal de perspective, s'en saisissent avec délectation.

Selon les écoles ésotériques, la réincarnation serait une doctrine remontant à la nuit des temps. Or les études historiques et archéologiques des dernières décennies ont montré que la réincarnation est inconnue des Veda (Livres sacrés de l'hindouisme) et n'apparaît  pour la première fois que dans certains Upanishad datant seulement du 6e siècle avant notre ère. Bien plus: nombre de courants de l'hindouisme demeurent jusqu'à nos jours réfractaires à cette doctrine.

Mais dans le bouddhisme tout de même ? Là encore il faut bien comprendre. Il est exclu que “mon âme à moi” ”transmigre demain dans le corps d'une championne de patinage artistique avant de s'abriter au siècle suivant sous les voiles d'une carmélite. Pas question d'âme individuelle, susceptible de se réincarner. Le flot de conscience universelle est simplement affecté “localement” par les actions posées, qui engendrent une perturbation se transmettant d'incarnation en incarnation jusqu'à son extinction (Nirvana). La conscience de renaissance se communique mystérieusement, sans sujet personnel, sans âme qui se maintiendrait d'une vie à une autre vie. Alors que pour les Occidentaux, l'incarnation ferait progresser “l'âme” vers la pleine réalisation de sa nature divine, pour les Orientaux, le cheminement spirituel conduit à la prise de conscience du caractère illusoire de la personnalité. L'Occident n'envisage pas de régression vers un état infra-humain, d'où l'aspect enviable des perspectives ! Tandis qu'en Orient où la régression est possible, la réincarnation est davantage considérée comme une douloureuse fatalité.

Pour le P. Cottier, dominicain, non seulement la réincarnation, sortie de son contexte oriental, ne signifie plus grand'chose, mais encore elle est lamentablement démobilisatrice: “Je peux prendre tout mon temps pour devenir meilleur; si je n'ai pas envie de me donner du mal aujourd'hui, j'aurai d'autres vies pour cela demain.” Demain où, c'est sûr, je serai Zinedine Zidane ou Céline Dion ! Textuel. Je n'invente rien. Et j'ajoute que finalement rien n'est plus dangereux que cette facilité à se bercer de mirages puisque, de temps à autre, il arrive que de jeunes Occidentaux optent pour le suicide en vue d'accélérer le cours des choses !

Certains enfin souhaiteraient concilier christianisme et réincarnation en faisant coïncider le cycle des réincarnations avec l'état vécu en Purgatoire. C'est oublier que le cycle des réincarnations s'opère, selon sa doctrine, dans le domaine de la nature, tandis que pour les chrétiens la mort les fait accéder à un état surnaturel qui ne doit rien à nos mérites, mais que nous tenons de la seule grâce de Dieu.

2. “ Je suis Dieu ”

C'est l'autre sirène. Celle des extases océaniques, du Grand Bleu si cher aux adolescents en quête d'ivresse des profondeurs. Elle traduit le besoin de se sentir en résonance avec le cosmos, elle exige des techniques. C'est la tendance à s'identifier totalement au divin unifié à l'univers.

Le divin dont il est question est toujours un principe impersonnel, une énergie subtile, une vibration qui n'a plus rien de commun avec le Dieu de la Révélation judéo-chrétienne.

Selon Baird Spalding, une des éminences grises du Nouvel Age, Dieu est un pouvoir vibratoire qu'il suffit d'expérimenter en soi pour l'atteindre dans son essence. Il suffit donc de plonger sous les apparences, de régresser en amont de notre conscience personnelle afin de nous immerger dans l'acte d'être commun à tout ce qui existe : telle serait l'expérience immédiate du divin qui nous serait accessible grâce aux techniques venues de l'Orient.

Joseph-Marie Verlinde a lui-même pu faire l'expérience d'immersion dans les énergies cosmiques. Expérience fascinante, nous dit-il, une dilution de la conscience personnelle perçue comme une libération de toute souffrance puisqu'il n'y a plus de sujet qui puisse conjuguer le verbe souffrir. Il ne reste qu'une simple sensation - et quelle ! - d'exister sur un mode totalement indéterminé. Elle englobe l'existence de tout ce qui nous entoure, les plantes, les animaux, le cosmos entier, la terre, la lune, les étoiles…. D'où le sentiment d'infinitude qui procure une ivresse toute particulière. Dieu n'est plus alors qu'un océan d'énergie cosmique dont les êtres seraient les vagues éphémères.

Cependant au cœur même de cette béatitude naturelle, subsistait mystérieusement pour le P.Verlinde une nostalgie secrète, un manque que le Tout paradoxalement ne parvenait pas à combler. Il voit là le manque éprouvé par la créature en quête de son Créateur, la béance qui subsiste au fond du cœur en l'absence de ce Tu pour lequel nous sommes créés. “L'immersion de ma personne dans le Tout ne pouvait éteindre le désir du Bien-Aimé, désir dont la flamme brûlait encore au fond de mon être”. La nature tout entière lui apparaissait alors comme une prison dorée, un écrin vide en l'absence de Celui qui se faisait désirer à travers elle.

La rencontre avec Dieu, selon ces techniques orientales, ne se réaliserait donc pas dans une étreinte d'amour puisque l'amour suppose l'altérité, le cœur à cœur entre deux personnes distinctes qui se sont reconnues et librement données l'une à l'autre. L'ésotérisme exclut pour sa part toute possibilité de relation et donc toute possibilité d'aimer. Parvenus à ce point, de Dieu il n'en est plus.

La théologie déficiente qui se construit sur de telles bases engendre inévitablement une anthropologie réductrice. Lorsque disparaît le sens de Dieu, constate douloureusement Jean-Paul II, le sens de l'homme se trouve également menacé et vicié. Le Concile Vatican II le déclarait déjà, sous une forme lapidaire: “la créature sans son Créateur s'évanouit, s'étant coupée du Dieu transcendant”. Dans l'oubli du Créateur, l'homme se prosterne devant la Création. Le refus de la créaturalité, le refus de l'altérité, de la finitude, de la loi morale, et finalement de toute force de limitation va logiquement de pair avec le désir de toute-puissance et d'omniscience. Ces désirs ont beau se revêtir du beau nom de mystique, ils n'en trahissent pas moins une régression dans l'imaginaire archaïque pré-personnel.

Heureux sommes nous, nous les chrétiens, de pouvoir découvrir la présence de Dieu dans notre histoire, de savoir que nous avons un Père en qui nous pouvons mettre toute notre confiance. Et promis au bonheur, nous le demeurons. Car si, en Occident, la réincarnation peut fait figure “d'espoir” humain, la résurrection est du côté de “l'Espérance” donnée par Dieu le jour de Pâques, jour de la victoire définitive du Christ sur la mort. Une telle foi n'a rien d'évident. Aux sceptiques qui voudraient voir la chose de près avant d'y croire, il n'est qu'un seul signe fiable: la personne de Jésus, le fils du charpentier, mort, puis ressuscité trois jours plus tard. Et le témoignage de son Eglise, toujours là vingt siècles plus tard.

                                                                                               Marion   BAUGNIET

Extrait de “ PAQUE NOUVELLE ,” juillet 2002

Editeur responsable : Michel Dangoisse

Rue de la Tour,7, bte 3.  B - 5000 NAMUR                     

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Notes.

(1) Pour plus d'informations sur Jacques Verlinde, devenu le Père Joseph-Marie en religion, né en Belgique, le 5 août 1947: Yann-Loïc JAMIN: “De l'ashram au monastère Les détours hindous d'un chercheur de Dieu”, dans “Famille chrétienne”, n° 816, 2 septembre 1993, pp.14-21.

(2) Joseph-Marie VERLINDE: “Le christianisme au défi des nouvelles religiosités”, Presses de la Renaissance, 2002, 250 p., 15 €  et, en complément: “100 questions sur les nouvelles religiosités”, Edit. Saint Paul, 2002, 188 p., 15 €.

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