Rencontre d'Assise 2011
A Assise
8h30. Les 300 représentants des diverses religions et traditions prennent un train spécial pour Assise.
9h45 . Les délégations se rendent à la basilique Sainte-Marie-des-Anges. Le patriarche œcuménique Bartholomeos de Constantinople, le Dr Rowan Williams, primat de la Communion anglicane, Acharya Shri Shrivatsa Goswami, représentante de la religion hindouiste, ainsi que Benoît XVI et Julia Kristeva, au nom des agnostiques, prennent la parole.
12h30-13h30. Repas puis temps de silence.
16h30. Place Saint-François, chaque délégation renouvelle son engagement pour la paix. Conclusions de Benoît XVI. Chaque délégation allume une lumière et échange un signe de paix.
18h. Benoît XVI et les chefs de délégations se rendent à la tombe de saint François.
Partout dans le monde
Les Églises du monde entier ont été invitées à s’unir à la journée de prière et de réflexion pour la paix qui se tiendra jeudi 27 octobre à Assise.
En France. C’est en France que les initiatives sont les plus nombreuses. Certaines ont déjà eu lieu, comme à Nanterre, Marseille, Toulouse, Saint-Brieuc ou Crest (Drôme). Aujourd’hui, à Strasbourg et Poitiers, des temps de prière seront également organisés. Jeudi soir à Paris, au Trocadéro, une rencontre des religions pour la paix est aussi convoquée à l’initiative du cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris. D’autres rencontres sont prévues jusqu’en novembre comme à Pontoise, Toulouse, Laval, Luçon ou Lyon.
En Grande Bretagne , les évêques ont envoyé une lettre à tous les fidèles qui invitent les paroisses à consacrer un moment de prière et de silence pour le don de la paix, suggérant une formule de prière à dire soit le 27 octobre, soit le dimanche suivant.
En Espagne , à Barcelone, se tient une cérémonie en souvenir de la première rencontre interreligieuse convoquée par le pape à l’initiative de l’archevêque de Barcelone, le cardinal Luis Martinez Sistach et la communauté de Sant’Egidio, à l’Académie royale des Belles Lettres.
En Pologne , un congrès interreligieux aura lieu les 27 et 28 octobre dans la ville de Bydgoska (Nord ouest du pays).
Le 27 octobre 1986, le cardinal Joseph Ratzinger n’était pas dans le train qui emmenait Jean-Paul II à Assise. Vingt-cinq années plus tard, c’est pourtant le même Benoît XVI qui a choisi de fêter, par sa présence, l’anniversaire de la rencontre, non sans solennité.
Entre ces vingt-cinq années, que s’est-il passé ? L’ancien gardien du dogme a-t-il à ce point changé ? Non. Le théologien, qui a participé au concile, a saisi combien le geste d’Assise – convier les autres religions à prier pour la paix – était non seulement prophétique, mais dans la ligne de Vatican II, et notamment des perspectives ouvertes par la déclaration conciliaire Nostra aetate sur les relations de l’Église avec les religions non-chrétiennes.
Et s’il s’implique à ce point personnellement dans cet héritage, c’est qu’il a pris soin, durant ces années, de déminer les ambiguïtés que pouvait comporter l’un des actes les plus significatifs du pontificat de Jean-Paul II : d’une part, en ne prévoyant aucun moment de prière visible, ni en commun ni en parallèle, contrairement à 1986. Et, d’autre part, en replaçant le dialogue avec les autres religions dans un contexte plus large du dialogue de l’Église avec les hommes, croyants et non croyants.
Benoît XVI s’expose aux critiques
Aucun doute, célébrer Assise est un choix personnel de Benoît XVI. Il l’a de nouveau rappelé mercredi matin, lors d’une liturgie de la parole, en explicitant les présupposés théologiques du geste. Il connaît pourtant parfaitement les critiques auxquelles il s’expose. Celles des fidèles de la Fraternité Saint-Pie-X, qui ont toujours fait d’Assise le symbole de leur rupture avec Rome, et alors même qu’ils doivent se prononcer ces jours-ci sur leur retour au sein de l’Église.
Surtout, Benoît XVI sait que son geste peut sembler inconséquent, au moment où les chrétiens n’ont, à travers le monde, jamais été autant physiquement menacés. Les communautés d’Orient, en Égypte, Irak ou Syrie, seront particulièrement présentes dans ses prières ce jeudi.
Mais, justement, dans le message pour la paix du 1er janvier 2011, Benoît XVI commençait par évoquer les attentats à Bagdad d’octobre, pour en déduire l’urgence d’un engagement en faveur du dialogue interreligieux. « Les chrétiens ne doivent pas devenir des loups parmi les loups, mais travailler au règne de la paix du Christ », a-t-il répété mercredi.
Un pape théologien, investi dans le dialogue interreligieux
En réalité, le théologien rigoureux et prudent qu’est Benoît XVI a parfaitement balisé son chemin d’Assise. D’une certaine manière, il a repris l’intuition prophétique de Jean-Paul II, pour lui donner une forme de pérennité, en l’ancrant dans la tradition de l’Église. Car, contrairement à une idée reçue, Benoît XVI n’a jamais été opposé au dialogue avec les autres religions.
Théologien, il entretenait des discussions avec des musulmans au sein de la Fondation pour le dialogue interreligieux de Genève. Son travail sur les racines juives du catholicisme (« Le peuple juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne ») lui donne une proximité avec le judaïsme.
Dès son discours d’intronisation, en avril 2005, Benoît XVI, après avoir rappelé toute l’importance du Concile, assure « ceux qui pratiquent d’autres religions (…) que l’Église désire continuer à tisser avec eux un dialogue ouvert et sincère, à la recherche du bien véritable de l’homme et de la société ». Il se réfère souvent, au cours de ses voyages, notamment dans les pays musulmans, à la déclaration Nostra aetate , qui reconnaît des richesses spirituelles dans toutes les religions.
Un processus irréversible
Entre-temps, avec le document Dominus Iesus , signé en 2000 de sa main, il a souhaité lever certaines ambiguïtés du dialogue entre religions. Les adversaires d’Assise craignaient que cette rencontre ne favorise le relativisme, une forme de tolérance où, au final, toutes les religions se valent. Déjà, deux mois après Assise, en décembre 1986, Jean-Paul II s’était longuement expliqué, devant la Curie, dans un texte auquel on peut penser que le cardinal Ratzinger n’était pas étranger.
Ce préambule levé, pour Benoît XVI, il n’y a aucun doute : le dialogue avec les autres religions est un processus irréversible, et dans lequel il a souvent répété son engagement, que ce soit à Amman, en Jordanie (en mai 2009), ou lors de son voyage en Grande Bretagne en 2010. Ce pape rétif aux grandes gestes est entré à trois reprises dans une mosquée. Aux États-Unis, il a développé longuement l’idée d’une recherche commune de la Vérité des différentes religions.
En revanche, Benoît XVI replace ce dialogue avec les autres religions dans un contexte plus large de dialogue avec l’humanité. On se souvient que, dans les premiers mois de son pontificat, il avait voulu intégrer le dialogue interreligieux dans le Conseil pontifical pour la culture. Il dut ensuite y renoncer, la crise de Ratisbonne ayant montré qu’il était nécessaire de disposer d’une structure consacrée uniquement aux autres religions.
Un dialogue basé sur la raison
En conviant à Assise des représentants du monde des incroyants, comme Julia Kristeva, il montre pourtant sa volonté de considérer le dialogue interreligieux comme le volet d’un dialogue basé sur la raison avec tous ceux qui le désirent, dans la logique du « Parvis des gentils ».
Encore une fois, Benoît XVI ne fait rien d’autre que reprendre la tradition de l’Église. Nostra aetate (1965) et, avant, Paul VI dans sa première encyclique (Ecclesiam suam , 1964) se situent eux aussi dans le cadre d’un dialogue avec le monde : c’est au nom d’une unité du genre humain plus importante que ses divisions que le dialogue avec les autres religions est nécessaire.
Au fond, avec Assise, Benoît XVI, comme Jean-Paul II avant lui, donne à l’Église la mission de rappeler cette unité. Parce que, « dans un monde divisé par les guerres et les égoïsmes » , a-t-il dit mercredi, les chrétiens « se doivent d’apporter un rayon de lumière propre à éclairer tous les hommes » .
ISABELLE DE GAULMYN