02 mars 2007
Purim et Morde'Khaï (2007: purim = 4 mars)
"Et Mordekhaï ne se pliera pas et ne se prosternera pas" (Esther, III, 3): le Rouleau d'Esther nous relate le célèbre épisode au cours duquel Mordekhaï, qui se tenait quotidiennement à l'entrée du palais royal, refusait systématiquement de se prosterner au passage du cruel Aman, le Premier ministre de l'Empire perse.
Nos Sages s'interrogent sur la légitimité de la conduite somme toute assez téméraire de Mordekhaï face à Aman: comment, lui qui était considéré comme le premier leader de la communauté juive de Perse, pouvait-il mettre en danger la vie de ses coréligionnaires en adoptant, face au deuxième personnage du royaume, une attitude aussi arrogante, susceptible en tout cas d'exacerber la haine antisémite ?
L'un d'eux, Rabbi David Ben Zimra - dit "le Radbaz" - va jusqu'à se demander si cet entêtement de Mordekhaï n'est pas justement à l'origine du tragique décret d'extermination signé par Aman.
On peut comprendre que ce geste de soumission que constitue toute revérence à un "grand" du royaume ne soit pas des plus agréables, mais n'est-ce pas le rôle d'un responsable de savoir à certains moments précis plier l'échine afin de sauver des vies humaines ?
Il est vrai que selon nos Sages, Aman s'était lui-même "divinisé", ou tout au moins portait autour du cou un pendentif idolâtre ! Et certains commentateurs affirment que Mordekhaï refusait de se prosterner devant lui car il aurait alors commis un acte d'adoration idolâtre catégoriquement interdit par la Tora. Mais là encore, Mordekhaï aurait peut-être pu esquiver ce problème en choisissant un autre itinéraire ou un autre endroit pour siéger.
Or une lecture plus approfondie de la Meguila nous révèle que l'affrontement entre Mordekhaï et Aman n'était pas accidentel. En effet, toute la communauté juive locale savait que Mordekhaï agissait de la sorte, et les notables juifs avaient déjà, à plusieurs reprises, tenté de le raisonner et de le faire prendre conscience des dangers qui pesaient sur toute la communauté en raison de cette attittude. Mais rien n'y faisait ! Car chaque jour, Mordekhaï ne se prosternait pas devant Aman, dont la colère ne faisait que croître C'est pourquoi le verset cité en exergue utilise le futur - un temps qui pourrait de prime abord surprendre. Or les grammairiens expliquent qu'il s'agit là d'un futur fréquentatif qui a pour but de marquer une action répétée.
Nos Sages compliquent encore le problème en nous racontant qu'Aman avait tenté une approche plus bienveillante à l'égard de Mordekhaï en le saluant d'un presque cordial "shalom" ! Comme Mordekhaï ne répondait pas à cette étonnante marque de "courtoisie", Aman lui demanda alors si ce n'était pourtant pas l'usage chez les Juifs de se saluer de la sorte. Sans se laisser impressionner, Mordekhaï lui aurait alors répondu qu'il ne pouvait y avoir de paix - de "shalom" justement - pour les méchants. On imagine qu'Aman n'a pas dû apprécier le compliment !
Dans son ouvrage sur la Meguila d'Esther intitulé Or Hadash, le Maharal de Prague explique qu'il ne s'agissait pas là d'une incartade marginale, mais d'une question de principe: faut-il céder a la cruauté, ou bien convient-il au contraire d'adopter une attitude fière et résolue ?
Rabbi Shimon Bar Yohaï avait répondu à ce dilemme: devant la méchanceté, estime-t-il, il est même permis d'arborer une attitude provocante (voir Traité talmudique Berakhot, p. 7b). Cette réponse est évidemment très révélatrice de la personnalité même de Rabbi Shimon Bar Yohaï. On sait que ce fut un grand résistant contre l'occupation romaine. D'ailleurs, jugeant son attitude insupportable, les envahisseurs romains le condamnèrent à mort, et il fut contraint de se cacher. Selon le Midrash Esther Rabba (VIl, 9), c'est cette même thèse que Mordekhaï a faite sienne.
Face à Aman, Mordekhaï usait justement de cette force et de cette détermination. Or cela ne doit pas nous surprendre puisqu'il était lui-même un descendant de Benjamin, le seul des enfants de Jacob qui ne s'était pas prosterné devant Esaü lors de la fameuse rencontre entre les deux frères, lors du retour de Jacob en terre d'Israël, après son long exil chez son oncle Laban puisqu'il n'était pas encore né. Selon le Midrash, ceci est lié au fait que Benjamin est le seul des enfants de Jacob à être né en Israël, et n'a donc pas de mentalité de faiblesse.
Cette dimension - être intimement lié à Eretz Israël - est indispensable pour celui qui entend tenir tête à la cruauté ! S'il arrive que les contingences de l'exil exigent parfois que l'on doive s'humilier face aux étrangers et aux "gentils" qui nous gouvernaient, en Eretz Israël au contraire, un peuple libre doit adopter une politique libre !
Nos Sages sont revenus en détail sur la célèbre rencontre au cours de laquelle Jacob s'était prosterné devant Esaü: ils comprennent fort bien son attitude et vont même jusqu'à la justifier. Cependant, cette compréhension n'est pas départie d'une certaine critique comme il est écrit: "Puisque tu t'es prosterné huit fois devant Esaü, il y aura huit rois de la descendance d'Esaü qui régneront avant qu'il n y ait un roi pour Israël'. En effet, pour espérer voir s'édifier un royaume ou un Etat indépendant, il est nécessaire de posséder au départ un certain esprit de liberté et d'indépendance.
Dans son commentaire sur cette critique des Sages à l'égard de Jacob, Nahmanide voit là un précédent historique: n'est-ce pas en signant des traités de paix humiliants avec Rome à l'époque hasmonéenne que le peuple d'Israël a plus tard provoqué lui-même sa déchéance ?
Mordekhaï avait quant à lui compris qu'il ne fallait pas céder ! En reculant devant les premières pressions, on va de concession en concession, et de recul en recul. Par contre, si l'on reste ferme, il est évident que l'on paye un certain prix sur le moment, mais on évite un désastre dans l'avenir.
Mordekhaï connaissait parfaitement les personnages impliqués dans les intrigues du royaume: il savait par exemple que le roi de Perse, Assuérus, etait un homme cruel et sans scrupule. N'avait-il pas mis à mort sa femme Vashti à cause de son refus de se présenter de manière indécente devant ses hôtes ? N'avait-il pas exigé et contraint toutes les jeunes filles de son royaume à se présenter devant lui, avant de choisir celle qui finalement lui conviendrait ? Quant à la cruauté d'Aman, elle dépassait celle de son souverain ! C'est pourquoi Mordekhaï décida de s'opposer le plus fermement possible au tyran qu'il était.
Un roman raconte l'histoire d'un jeune Juif qui aurait assassiné Hitler bien avant que ne débute la Shoa. Ce geste est condamné dans ces termes par les notables de la communauté juive: "Mais enfin, cet Hitler n'a fait aucun mal aux Juifs ! Ce ne sont que des paroles de haine ! Et on ne tue pas quelqu'un pour des paroles !"
Mordekhaï comprenait qu'Aman désirait briser peu à peu l'esprit de fierté et d'indépendance que le peuple d'Israël avait maintenu même en exil.
Mais on objectera qu'il est évidemment toujours positif de conserver son esprit d'indépendance et de fierté nationale, encore faudrait-il être capable de résister à ses ennemis. Il arrive que l'on n'ait parfois pas d'autre choix ! Or dans notre cas, il s'avère que Mordekhaï était parfaitement conscient du potentiel et des qualités de son peuple, et son attitude était donc parfaitement fondée.
En fait, après qu'Aman fut confondu, Assuérus n'a pas aboli le décret d'extermination réclamé auparavant par son Premier ministre: il l'a seulement associé à un autre décret qui permettait aux Juifs de se défendre. Il s'avéra que le courage des Juifs eut raison de la cruauté des Perses: "Venahafokh hou" - il y eut un renversement de situation ! Une fois de plus fut vérifiée l'évidence que le peuple d'Israël n'est pas une nation faible et craintive, mais forte. Peut-être les Juifs se croyaient cependant moins courageux et puissants qu'ils ne l'étaient ? Peut-être avaient-ils une trop forte tendance à se dévaloriser aux yeux des autres peuples, et sans doute étaient-ils de facto tombés dans cet état de faiblesse générale et de renoncement Tout cela ne ferait que confirmer le vieux proverbe juif: "Celui qui se fait brebis, le loup le dévore".
Mais en fait, le peuple d'Israël était doté d'un courage hors du commun, et c'est ce courage profondément enraciné dans l'âme de la nation qui a justement surgi chez Mordekhaï au moment de combattre les forces du mal représentées par Aman. A partir de là, tout devient plus clair: ce n'est pas l'attitude "arrogante" de Mordekhaï qui a suscité le décret d'extermination, mais c'est bien au contraire la faiblesse de l'ensemble du peuple paralysé dans son état diasporique. Il convient même d'affirmer que c'est bien la témérité de Mordekhaï qui a sauvé les Juifs !
Ce point est particulièrement illustré par nos Sages: "Lorsque le décret parut, Mordekhaï sut ce qui s'était passé: 'Et Mordekhaï déchira ses vêtements' ..." (Esther, IV, 1). Bien sûr que Mordekhaï "savait" ! N'était-il pas apparament la cause profonde de ce développement ? Sur ce point, Rachi explique que Mordekhaï savait, de source divine, que tout cela se produisait parce que les Juifs s'étaient prosternés devant la statue de Nabuchodonozor, et qu'ils avaient plus tard joui du festin donné par Assuérus. Il est d'ailleurs possible que cette statue n'ait pas été une idole et que l'on ait pu trouver une excuse à leur comportement, mais il était assurément signe de couardise. De même, la participation des Juifs au festin d'Assuérus était une preuve manifeste de faiblesse et de soumission, et ce, même si, comme le précise la Meguila d'Esther, "la boisson était conforme [aux règles alimentaires] de la religion juive]" (Esther, 1, 8) et le repas était strictement cachère. Le problème venait surtout du fait que les Juifs étaient quasiment tous présents au festin, et qu'ils en avaient largement et publiquement profité, s'engageant ainsi insidieusement dans la voie d'une extermination.
Et c'est donc l'homme du courage, l'inébranlable Mordekhaï, qui a su réveiller les forces enfouies de son peuple en vue d'accélérer le salut de tous !
De nos jours également, ne sommes-nous pas appelés à prendre cette conduite comme exemple et à en tirer les enseignements les plus pertinents pour savoir faire face aux événements contemporains ?
http://www.viejuive.com/synagogue/fetes/pourim2.htm
Pourim
La fête de Pourim (פּוּרים les hasards), le 14 Adar, est la célébration du miracle qui a sauvé les juifs en Perse, vers l'an 480 avant l'ère courante. C'est aussi le symbole de la prise de conscience par le peuple juif que c'est toujours Dieu qui dirige l'Histoire même s'Il semble dissimulé, et que les Israélites ne peuvent percevoir Sa présence qu'en suivant Sa Torah.
L'histoire de Pourim est racontée dans le livre d'Esther.
En 2007 le jeûne tombe le jeudi 1 mars, et Pourim le dimanche 4 mars.
Histoire de Pourim
Peu de temps après la permission donnée aux juifs par Cyrus de retourner à Jérusalem, il restait une forte population juive en Perse, dont Suse était la capitale.
Le roi Assuérus (485 à 465 avant l'ère courante), petit-fils de Cyrus, après avoir répudié son épouse Vashti, choisit pour nouvelle reine la belle Esther. Mais Esther n'avait pas révélé au roi qu'elle était juive, sur les conseils de son oncle Mordékhaï.
Ce même Mordékhaï, dans ce temps-là, avait sauvé la vie du roi en ayant déjoué le complot de ses gardes contre le souverain. Le fait fut inscrit dans les annales du royaume.
Haman l'amalécite, un homme orgueilleux et cruel, était le conseiller du roi ; et il haïssait Mordékhaï, car ce dernier avait refusé de se prosterner devant lui, les Juifs ne se prosternant que devant Dieu. Il en conçut une haine pour le peuple juif entier, et complota pour le détruire en un discours malheureusement trop connu [xxxvii] ; et le roi lui confia le soin de faire ce que bon lui semblerait. Haman, muni du sceau du roi, envoya dans toutes les provinces l'ordre de massacrer les Juifs le 13 Adar, date qu'il avait tirée au hasard.
Mordékhaï persuada Esther de parler au roi au nom du peuple juif. Pour s'apprêter à risquer sa vie en allant voir le roi sans avoir été convoquée, Esther passa trois jours en prière et en jeûne et avait demandé à tous les Juifs d'en faire autant. Le roi la reçut avec bienveillance, elle demanda à parler lors d'un festin qu'il organiserait le lendemain.
Ne pouvant dormir, le roi se fit lire les annales du royaume, où on lui rappela comment Mordékhaï avait déjoué la conspiration contre lui, et qu'il n'avait été fait aucune récompense à cet homme. Au matin, il demanda à son conseiller Haman quel traitement il se devait de réserver à un homme qu'il souhaitait honorer. Haman donna son avis en croyant que le roi pensait à lui : une parade en ville sur le cheval du roi. Assuérus lui ordonna alors de faire ce qu'il avait dit pour Mordékhaï.
Le soir, lors du festin, le roi demanda à Esther quelle était sa requête, qu'il promettait de lui accorder d'avance. Esther lui demanda la survie ainsi que celle de son peuple, que Haman avait condamnées. C'est ainsi qu'Assuérus publia un nouvel édit pour annuler celui de Haman, qui fut pendu sur la potence qu'il avait lui-même dressée pour Mordékhaï.
Le peuple juif, sauvé, passa du deuil à la réjouissance ; on célébra des fêtes. C'est ainsi que fut instaurée, le 14 Adar, la fête de Pourim.
Pourim dans le judaïsme
La fête de Pourim a une signification fondamentale dans le judaïsme.
Contrairement à Hhanouka où la religion et la pratique juives étaient en danger, Pourim raconte la menace physique sur le peuple juif. Nombreux furent les exemples dans l'histoire, où les Juifs furent pourchassés non pas en raison de leur croyance, mais uniquement par haine gratuite.
Le miracle de Pourim stigmatise l'espoir que les Juifs gardent toujours dans ces épreuves.
Il est un fait particulièrement marquant au sujet du Livre d'Esther : il s'agit du seul texte de la littérature juive sacrée dans lequel pas une fois il n'est fait mention de Dieu. Plus exactement, Dieu n'est pas cité explicitement, mais par de nombreuses allusions subtiles dans le récit. C'est que, si Pessahh est l'histoire de la libération du peuple juif par de grands miracles surnaturels, Pourim est la délivrance invisible, l'action cachée de Dieu à l'intérieur des lois de la nature. Par leur seule prière, les juifs du temps d'Esther furent sauvés ; aujourd'hui seul le croyant qui place toute sa confiance en Dieu, peut reconnaître la vraie grandeur du miracle.
C'est même le sens de nom de la fête. Pourim, la fête des "hasards", exprime l'idée que précisément, rien n'est laissé au hasard par Dieu. Ce qui semble être, à première vue, une conséquence de l'histoire, un enchaînement d'événements fortuits, n'est en fait que le moyen choisi par Dieu pour déployer Son Œuvre de Bien.
En effet, le déroulement de l'Histoire ne se limite pas à la mise en place des pièces du puzzle juste au bon moment en faisant apparaître au roi Assuérus le vrai visage de Haman et la grandeur d'âme de Mordékhaï. En remontant plus loin dans le temps, on prend toute la mesure de l'action permanente de Dieu dans le monde. Haman est un descendant du roi Agag, lui-même issu de Amaleq, le méchant qui avait attaqué lâchement et sans raison les Israélites dans le désert, par l'arrière, à leur sortie de l'esclavage d'Egypte, alors qu'ils étaient faibles et fatigués. Amaleq représente l'incarnation de la méchanceté gratuite, qui est le principe diamétralement opposé à la nature même de Dieu. Des générations plus tard, lorsque le Shaoul, roi d'Israël, vengea son peuple et combattit Amaleq, alors gouverné par Agag, il eut pitié de ce dernier et ne le tua pas. Tandis que Agag eut pour descendance Haman, qui voulut lui aussi perpétrer à son tour le crime d'Amaleq, les générations de la famille de Shaoul comptèrent Mordékhaï et Esther.
Ce qui ressemble à un hasard est bel et bien l'œuvre de Dieu.
La fête de Pourim aujourd'hui
Le 13 Adar est un jour de jeûne et de repentir, en souvenir du jeûne d'Esther, qui avait elle-même jeuné trois jours et avait demandé au peuple d'observer une journée de privation. S'il s'agit d'un samedi, le jeûne est avancé au jeudi pour ne pas gêner la célébration de Shabbat (noter que, du fait des dehhyiot, le 13 Adar ne peut jamais tomber un vendredi). Le jeûne est diurne uniquement ; il s'adresse à tous, mais comme d'habitude les personnes faibles ou malades en sont dispensées. Le 14 Adar est une journée de réjouissances.
Quatre particularités s'appliquent au jour de Pourim, 14 Adar, toutes issues du Livre d'Esther :
On écoute la lecture publique de la méguila (rouleau) d'Esther à la synagogue, deux fois : la veille au soir, et le matin du 14 ;
on envoie des cadeaux comestibles aux amis et aux pauvres, en symbole de solidarité dans l'épreuve ;
en souvenir du demi-shéquel que l'on donnait pour le Temple, l'usage est de donner une contribution pour les œvres d'Israël ;
on prend en banquet, dans l'après-midi, à l'image du festin d'Esther.
La coutume est également de se déguiser, car la vraie nature des personnages s'est révélée et leurs masques sont tombés.
Lors des années embolismiques, Pourim est célébré au mois de Adar 2.
l'histoire complète dans le texte:
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