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Sentences
16 janvier 2007

L'art de vivre des chrétiens

Dans une intervention récente, Jean-Yves Baziou, maître de conférence à la faculté de théologie de Li Ie, indiquait comment l'Eglise était toujours « recommencée» dans la manière dont se situent les chrétiens au long des âges. C'est comme un « art de vivre» réinventé au fil des siècles sur le socle inamovible de la Parole de Dieu. Le même auteur en indiquait quelques éléments:

Des chrétiens investis dans la société

Il suffit effectivement d'ouvrir les yeux.
On voit bien que les chrétiens (catholiques ou d'une autre confession chrétienne) ont la volonté de témoigner et d'agir dans le domaine public. Ils refusent la privatisation de leur Foi qu'on voudrait souvent leur imposer; ils souhaitent influer sur la société et la transformer.
Ils sont très nombreux dans les organisations caritatives, qu'elles soient ou non d'inspiration chrétienne. Il en est de même dans tout le champ de l'éducatif comme dans les milliers d'associations ou de mouvements qui existent, chrétiens ou non. On peut ajouter, en cette année d'élection présidentielle, que les chrétiens sont loin d'être absents de l'engagement politique. Comme l'indique l'auteur déjà cité, aujourd'hui les chrétiens ont « le goût d'annoncer l'Evangile dans les institutions de la cité ».

Une convivialité nouvelle

Dans un monde urbanisé où ont quasiment disparu les relations proches qui pouvaient exister dans le monde rural, les chrétiens recréent une convivialité nouvelle. Il n'est pas rare qu'à l'occasion d'une grande fête, un verre de l'amitié soit proposé à la sortie de la messe, qu'une galette des Rois réunisse les parents d'enfants baptisés l'année précédente, qu'un cadeau symbolique soit offert aux jeunes mariés. On voit se multiplier les « sorties paroissiales». Des veillées de prière conçues sur un mode festif sont proposées. Les enfants sont invités à se manifester au cours de l'Eucharistie.
Des petits orchestres de jeunes chrétiens s'organisent et animent telle ou telle célébration. Autant de manifestations diverses mais qui montrent une recherche du bonheur avec d'autres, d'une chaleur qui manque souvent dans les relations sociales.

Prendre la parole, être reconnu

De plus en plus, on entend dire que les réunions de jeunes parents autour de la catéchèse des enfants changent de contenu. Très vite, même quand les animateurs ne l'ont pas prévu, ces rencontres deviennent des espaces d'écoute et de dialogue. Chacun y partage ses soucis, ses joies avec ses enfants, ses difficultés quotidiennes, voire ses blessures personnelles. On remarque, dans ce genre de rencontres, un grand respect mutuel, une reconnaissance, une source de dynamisme pour les participants. On pourrait en dire autant pour beaucoup d'équipes ou de groupes chrétiens, qu'il s'agisse d'ouvriers, d'artisans, de patrons. On s'y écoute sans jugement préalable et chacun se sent valorisé. Il y a là sûrement quelque chose d'essentiel pour l'élaboration du sens de la vie. Ce n'est pas rien que la religion chrétienne offre ainsi des espaces de parole ou d'écoute. Au-delà d'ailleurs de groupes organisés, on voit fleurir des dizaines de groupes plus ou moins informels, par exemple autour de la Parole de Dieu ou de telle ou telle spiritualité.

L'éloge du temps perdu

Ce qui semble inutile est certainement ce qui, dans la vie, est essentiel, à savoir tout ce qui est de l'ordre de la gratuité ou de la fête. Dans leur travail, les uns et les autres sont dans le registre de la productivité, du « temps utile». La réduction du temps de travail a, dans beaucoup d'entreprises, comme « comprimé» l'activité.
Il faut faire en moins de temps ce qui s'étalait sur une plus grande durée.

Est-ce une réaction? C'est difficile de l'affirmer, mais on constate que beaucoup de chrétiens n'hésitent pas à faire une halte spirituelle de quelques heures ou de quelques jours dans un monastère, à participer à des rassemblements nationaux avec des conférences et des temps de prière. D'autres chrétiens passent beaucoup de temps à préparer de belles liturgies, à fleurir les lieux de culte.
D'autres se mettent à la disposition des touristes visitant les églises.

Autant de marques indiquant, dans l'univers chrétien, l'importance du beau, du gratuit, de la contemplation, de la rencontre de Dieu dans l'écoute des autres ou dans la découverte des beautés de la nature.

Une foi en évolution

Même s'ils sont proportionnellement peu nombreux (environ 2.500 chaque année), les adultes recevant le baptême donnent un peu le ton. Désormais, beaucoup de chrétiens ne conçoivent pas la foi comme une donnée de départ mais comme une recherche. Les moments importants de la vie sont des temps d'avancée spirituelle : baptême, mariage, mais aussi deuil, chômage, retraite. On se met ou on se remet en route, de façon souvent étonnante. La disparition d'un être cher repose la question du sens de sa propre vie; la retraite remet devant l'ensemble de son existence et ce qu'on pourrait en faire; le chômage amène beaucoup d'inquiétudes et en même temps interroge sur l'identité:
qui suis-je si je travaille pas? Comme les futurs baptisés, beaucoup de chrétiens, baptisés de longue date, se disent en route, en évolution. Actuellement, le renouveau du pèlerinage à Compostelle le montre clairement. Les motivations des partants sont fort diverses, mais beaucoup ont été amenés, en marchant, à se poser la question du sens de leur existence.

Une éthique sociale

Tout le monde le sait depuis très longtemps, les chrétiens ne sont pas parfaits.
Pourtant, on voit bien ce qui est mis en valeur entre les chrétiens, ce qui est reconnu comme attitudes chrétiennes, ce qui est vécu. Il s'agit de relations de confiance, de respect, de tolérance. Il s'agit d'une manière d'être, pas d'abord dans l'agressivité ou la rivalité, mais d'abord dans le désir d'une vie possible pour tous, avec des accents particuliers sur la place de ceux qui sont plus démunis ou moins reconnus dans la société.

Evidemment, cette éthique n'est pas sans lien avec la société occidentale marquée depuis si longtemps par le christianisme.
La politesse, l'écoute des autres, le soutien, la bienveillance, l'effort de paix civile sont devenus comme un bien commun. Ce n'est pas une raison pour abandonner cet acquis d'origine chrétienne et qui est vécu concrètement dans les communautés.

Les chrétiens proposent aujourd'hui à la société française un art de vivre. Ils le mettent en œuvre dans leur vie personnelle ou collective.
Des insistances nouvelles se font jour, des façons de faire différentes mais toujours en cohérence avec l'Evangile. Depuis le début de l'Eglise, il en a toujours été ainsi. La vraie tradition, c'est le même Evangile, porté de siècle en siècle par des croyants dans des situations qui évoluent.

Yves GUIOCHET.

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