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Sentences
21 avril 2006

Liturgie copte-Poésie liturgique

Liturgie copte


La plupart des livres liturgiques de l'Église Copte sont composés en langue bohaïrique, dialecte de la Basse-Égypte qui, vers le VIIe siècle, a pris la place du sahidique, dialecte de Haute-Égypte.

Dans l'Église copte le " Livre de la Psalmodie " comprend les Odes (Cantiques et Psaumes), les Théotokies (recueils en l'honneur de la Vierge qui jouent un très grand rôle dans la liturgie) et la Doxologie en l'honneur des saints. La musique liturgique copte est une musique à huit tons comme la musique byzantine, chaque ton étant approprié à la célébration de certaines fêtes.

Cette curieuse musique liturgique est rythmée par divers instruments à percussion : tambours, tambourins et cymbales.

SHÉNOUTÉ, vers 348-vers 466
Maître de vie monastique, il est aussi le plus célèbre écrivain copte. Une oeuvre apparemment confuse de sermons, de prières, d'apocalypses, mais rayonnante.


PRIÈRE A DIEU
Shénouté

Dieu,
Protège-moi en tous temps dans les travaux, dans les paroles et dans la pensée de mon coeur.

Dieu,
Aie pitié de moi en ce monde comme dans l'autre monde à venir.

Dieu,
Aie pitié de moi car, mortel, j'ai péché contre toi, mais toi, pardonne-moi, ô Maître doux et bon.

Dieu,
Ne m'emplis pas de crainte et ne me trouble pas à l'heure o' l'âme quitte le corps.

Dieu,
Ne me réprimande pas dans ta colère et ne me punis pas dans ton courroux.

Dieu,
Ne t'irrite pas contre moi, selon le salaire de mes péchés et de mes actions mauvaises.

Dieu,
Ne me dérobe pas ton visage quand je comparaîtrai devant toi et ne détourne pas de moi ta face au jour que tu jugeras les actions connues et les actions cachées des hommes.

Dieu,
Ton Verbe s'est fait chair, il a été crucifié pour moi, il est mort, il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour. Tiens-moi fortement lié à toi pour que les esprits mauvais ne l'emportent sur moi et ne m'arrachent de tes mains.

Dieu,
Ne me laisse pas succomber aux coups de la perfidie, ne permets pas que l'Adversaire trouve en moi rien qui soit son bien.

Dieu,
Que toute pensée de péché trouve mon coeur comme un glaive aiguisé afin que je puisse la chasser de mon coeur.

Dieu,
Qui as parlé à la mer et la mer s'est apaisée, chasse les passions mauvaises de ma nature pécheresse, afin que soit éteint le péché et qu'il disparaisse de tous mes membres.

Dieu,
Accorde-moi pour toujours un coeur pur avec la foi orthodoxe dans les siècles des siècles.

Amen.

____________________________

INTRODUCTION


" Allez à tous les carrefours ", ordonna le Roi, " et appelez aux noces tous ceux que vous trouverez".

Noces d'Anima et de son Dieu, acte sacré, vivifié par la vision de l'Église, se situant dans le temps et l'au-delà du temps. Acte unique et sans fin de poésie et de prière.

Noces impétueuses, noces enivrées des coupes de mots qui débordent, comme impatientes d'une libation jamais satisfaite, perpétuellement renouvelée dans les houles de la joie!

Noces ailées, noces drapées dans les grands vents des cimes, exaltées par tant de voix indomptables entendues toutes ensemble et chacune si distinctement, d'un seul coup!

Les collines du Psalmiste se soulèvent vers les cieux, le coeur bat à se rompre, les mers s'entrouvrent et applaudissent à cet inépuisable triomphe.

Acteurs de ces noces, de cette louange, de ce drame, de ce sacrifice, les poètes sacrés relèvent l'humanité des abîmes de misère et d'affliction, l'entraînent vers des sommets de lumière où quelque chose se célèbre éternellement qui devait être accompli et ne sera découvert à nos yeux qu'au dernier jour.

Dans le mouvement de toutes paroles s'efforçant dans le sillage du Verbe, il n'est pas jusqu'aux poètes profanes qui ne reconnaissent leurs propres rythmes, leurs propres paroles enfin délivrées de leurs entraves.

" Soudain l'Esprit de nouveau, soudain le souffle de nouveau, soudain le coup sourd au coeur, soudain le mot donné, soudain le souffle de l'Esprit, le rapt sec, soudain la possession de l'Esprit ! "

Dieu, qui prépara l'univers, le recueille éternellement en cet acte de poésie.

En ce temps où l'on aime si fort parler de " puissances " il n'est point osé de dire que, dans l'usage journalier et universel, l'Église est la plus grande puissance poétique du monde.

Qui donc ne le pressent? Qui donc ne l'accorderait sur la foi de ses émotions et de ses connaissances?

Qui n'en sera convaincu, je l'espère, et ne le proclamera ayant lu ce florilège de la poésie liturgique d'Orient et d'Occident?

Choix précieux, choix médité, abondant en chefs-d'œuvre de la poésie universelle, mais simple figure d'une somme qui confondrait et ferait succomber sous une inimaginable montagne de richesses.

Oui, c'est bien un ensemble unique que celui de cette poésie sacrée devenue liturgique par l'élection des églises; chant unanime dans lequel apparaît le génie de chaque créateur inspiré, transparaît le génie particulier des siècles et des peuples. Non, les plus hautes expressions poétiques des civilisations ou des nations ne peuvent égaler ce prodige que près de vingt siècles enrichissent et perpétuent.

Plus encore : immense est la part qu'elles reconnaissent devoir à l' " ingens monumentum " de la poésie liturgique.

C'est que pour toutes littératures d'Orient et d'Occident tout a toujours commencé dans l'aura des échos sacrés. Par captation délibérée du courant ou par bain précoce, les plus grands poètes se sont toujours imprégnés des eaux saintes.

Considérant les principales formes littéraires de la poésie sacrée (hymnes, séquences libres puis régulières, odes, canons, psaumes imités des Psaumes) ou des formes moins communes et plus secrètes, l'historien des littératures saura reconnaître et préciser la décisive influence qu'elles eurent sur l'élaboration et le développement des littératures et des cultures nationales.

Chaque langue liturgique a offert aux poètes ses ressources et s'en est trouvée magnifiée. On sait à quelle splendeur a pu atteindre le " latin mystique " sous la plume d'un Saint Ambroise, d'un Fortunat, d'un Saint Bernard.

Mais bien plus tôt, dès la moitié du premier siècle, le grec, langue universelle, était devenu instrument liturgique : langue du Nouveau Testament, et bientôt des apologistes, des Pères et des poètes.

La Syrie, qui d'abord avait adopté le grec (1), se tourna dès le début du IVe siècle vers le syriaque, langue commune qui ne devait s'éteindre qu'au XVIIe siècle pour faire place à l'arabe, langue liturgique subsidiaire devenue proprement liturgique pour les Melkites (2).

En Égypte, dès le IIIe siècle, la liturgie fut célébrée en langue copte thébaine, tandis qu'à partir du Ve siècle la liturgie éthiopienne fut de l'aristocratique langue gheez.

Psalmodie et liturgie arméniennes adoptèrent à la fin du Ve siècle l'arménien (que l'on appelle aujourd'hui arménien ancien) merveilleuse langue pour tant de prêtres-poètes et de troubadours.

La poésie sacrée géorgienne confie ses inventions à une langue aux vertus poétiques incomparables.

Langue liturgique de tous les slaves de rite byzantin depuis le IXe siècle, le slavon représente en quelque manière ce qu'est la langue latine aux différentes langues romanes.

Quant aux diverses confessions de l'Église Réformée, on sait que leur liturgie use en chaque pays de la langue nationale.

La merveille est que la poésie liturgique, jouissant d'une grande et très appréciable diversité d'expression, porte la plus vive empreinte de l'universalité et de la totalité.

En si nombreuses langues elle manifeste splendidement l'unité profonde de la poésie religieuse, poésie qui relie à l'infini, qui constitue une réalité visible et unanime, une expression sacrée de la foi de l'Église.

Celle-là n'est pas une poésie parmi d'autres. Elle n'est pas seulement poésie du premier rang.

Elle participe à la transcendance même de son objet qui est Dieu et elle confie aux nombres chantants de la musique le " plus d'adoration ", le " plus d'amour " que les paroles élues ne savent encore exprimer.

Poésie véritablement liturgique en ceci qu'orientée vers Dieu " elle introduit concrètement le peuple au mystère du Christ et concourt à lui en donner l'intelligence ".

Parcourant ces pages, les juges difficiles que je souhaite auront l'occasion de déplorer l'absence de telle ou telle pièce liturgique estimée par eux capitale.

Qu'ils veuillent bien considérer le propos exact de cet ouvrage : ouvrir ou agrandir quelques perspectives où il sera donné au lecteur de découvrir quelques-unes des oeuvres majeures, de s'en émerveiller peut-être, d'en exalter son esprit, son coeur, son âme.

J'ai donc recueilli en ces pages les moments privilégiés de la poésie liturgique.

Sans doute beaucoup de poètes lui ont-ils offert les ressources de leur foi et de leur talent, mais ce sont les grands inspirés de l'Orient et de l'Occident chrétiens qui ont fait la poésie sacrée liturgique et lui ont assuré sa vocation providentielle

Saint Ambroise, Prudence, Fortunat, les moines poètes irlandais, les séquentiaires germaniques, franciscains et le très haut Adam de Saint-Victor, maître d'un art français, Romanos le Mélode et les poètes des canons byzantins.

Saint Ephrem, l'immense arménien Grégoire de Narek, les poètes géorgiens, les poètes des salam coptes et des quenê.

Ces quelques pages introductives ne sauraient s'achever sans porter l'expression d'un souhait : Dieu veuille que ceux qui se consacrent à ce que l'on appelle le " renouveau liturgique " ressentent si intimement un tel sacre de beauté que jamais ils ne s'en détournent, jamais ne le refusent pour accueillir les inventions médiocres ou déplorables qui déshonorent déjà trop de cérémonies.

Il est d'autres moyens d'être " de son temps " que de sacrifier à l'insignifiance ou à la laideur. N'est-ce pas Dieu qui, par la parole des poètes et des saints, s'est amassé pour tous les fidèles (et pour les autres) l'insondable trésor de la poésie liturgique d'Orient et d'Occident.

Si l'on veut un renouveau de cette poésie qui puisse compter au crédit de notre temps, que l'on s'adresse donc aux grands poètes chrétiens et non aux plus fâcheux rimeurs.

Il y va de la dignité de la célébration, de l'existence de la beauté dans l'Église, de la vigueur de la foi.

Il y va sûrement de l'oreille de Dieu.

" Beaucoup de prophètes et de rois ont désiré voir ce que vous voyez et ne l'ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l'ont pas entendu... "

La parole des légions de poètes de l'Église s'est levée, surabondante de sage passion.

Et cette parole emplit le temple, emplit le monde, se donne au monde.

Et cette parole sème le silence.

Alors lève la bonne semence : les fils du Royaume, la plus généreuse moisson pour les anges poètes et pour les anges-moissonneurs.

Jean-Pierre Foucher


Notes du webmestre

(1)Contrairement à ce qu'affirme l'auteur, en Syrie, la langue liturgique semble avoir toujours été l'araméen et non le grec à l'origine. Par contre comme l'indique Pierre Perrier dans son livre "Evangiles: de l'oral à l'écrit" -Sarment Editions du Jubilé- il est vrai que la tradition orale araméenne se perdra peu à peu "quand, dans la période coloniale byzantine, le texte araméen utilisé par la liturgie araméophone de Syrie subira lui-même une révision qui sera faite en se basant sur le texte grec!" (p.246 )

(2) Les melkites prient en arabe et en grec mais ce sont les syriens qui prient en arabe et en syriaque

D'autres erreurs "techniques" existent peut-être encore dans ce texte et des spécialistes pourraient nous le dire mais l'essentiel du message qu'il transmet est la reconnaissance de la beauté et de la poésie des textes liturgiques dans leur infinie diversité.

source

POÉSIE LITURGIQUE
ORIENT- OCCIDENT

JEAN-PIERRE FOUCHER

MAISON MAME - 1963

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